jeudi 24 août 2017

Le comice...

Je vous invite à lire Yves de Saint Jean:

J'ai relu récemment le chef-d’œuvre de Gustave Flaubert, « Madame Bovary ».
Le roman comporte plusieurs grandes scènes comme celles du fiacre, la visite du théâtre, le bal ou la noce.
Celle consacrée aux comices est certainement une des plus longues de l'ouvrage.
Flaubert y a consacré beaucoup de soin et d'énergie. Il a manifesté le désir d'assister à des comices pour y puiser les éléments essentiels et nécessaires à l'écriture comme s'il s'agissait, pour lui, de répondre à une ambition réaliste en s'intéressant à la société dans sa globalité.
Il n'était pas un chaud partisan de ce type d'événement. Dans une lettre du 18 juillet 1852 à Louise Collet, sa maîtresse, il écrit : « ce matin, j'ai été à un comice agricole, dont je suis revenu mort de fatigue et d'ennui. J'avais besoin de voir une de ces ineptes cérémonies rustiques pour ma Bovary...»
Dans ce sublime roman qui paraîtra d'abord en 1856 dans la « Revue de Paris » fondée par Maxime Du Camp, Flaubert, le bûcheron de l'écriture, se livre à une virulente satire de la bourgeoisie et du monde politique de l'époque dans la lignée de Balzac, le visionnaire qui avait abordé le même sujet dans son roman « La femme de trente ans ».
Il y traduit dans un style merveilleux toute une société et les mœurs provinciales. Il restitue l'état d'esprit du public, l'atmosphère de la fête en s'attachant aux moindres détails, personnages et animaux sont devant nous : « je suis sûr de ma couleur et de bien des effets » écrit-il à Louise Collet dans une lettre du 18 juillet 1853.
C'est à Yonville, village fictif de Normandie, où se sont installés Emma et son mari Charles Bovary, qu'ont lieu les comices agricoles. L'écrivain se serait inspiré du village de Ry en Seine-Maritime.

Voici un bref extrait suivi du discours d'un conseiller de la préfecture, M. Lieuvain, délégué par le Préfet pour le représenter. Discours prononcé sur le parvis de la mairie devant toute la population de la ville et des environs.
«... Ils arrivèrent , en effet, ces fameux comices ! Dès le matin de la solennité, tous les habitants, sur leurs portes, s'entretenaient des préparatifs ; on avait enguirlandé de lierre le fronton de la mairie ; une tente dans un pré était dressée pour le festin, et au milieu de la place, devant l'église, une espèce de bombarde devait signaler l'arrivée de M. le Préfet et le nom des cultivateurs lauréats...
...Cependant le pré commençait à se remplir, et les ménagères vous heurtaient avec leurs grands parapluies, leurs paniers et leurs bambins. Souvent il fallait se déranger devant une longue file de campagnardes, servantes en bas bleus, à souliers plats, à bagues d'argent, et qui sentaient le lait quand on passait près d'elles... »
...Lieuvain venait de s'essuyer la bouche avec son mouchoir de poche. Il reprit :
« Et qu'aurais-je à faire, messieurs, de vous démontrer ici l'utilité de l'agriculture ? Qui donc pourvoit à nos besoins ? Qui donc fournit à notre subsistance ? N'est-ce pas l'agriculteur ? L'agriculteur, messieurs, qui, ensemençant d'une main laborieuse les sillons féconds des campagnes, fait naître le blé, lequel, broyé, est mis en poudre au moyen d'ingénieux appareils, en sort sous le nom de farine, et, de là, transporté dans les cités, est bientôt rendu chez le boulanger, qui en confectionne un aliment pour le pauvre comme pour le riche. N'est-ce pas l'agriculteur encore qui engraisse, pour nos vêtements, ses abondants troupeaux dans les pâturages ? Car comment nous vêtirions-nous, car comment nous nourririons-nous sans l'agriculteur ?...
...Continuez ! Persévérez ! N'écoutez ni les suggestions de la routine ni les conseils trop hâtifs d'un empirisme téméraire ! Appliquez-vous surtout à l'amélioration du sol, aux bons engrais, au développement des races chevaline, bovine, ovine et porcine ! Que ces comices soient pour vous comme des arènes pacifiques où le vainqueur, en en sortant, tendra la main au vaincu et fraternisera avec lui, dans l'espoir d'un succès meilleur ! Et vous vénérables serviteurs, humbles domestiques, dont aucun gouvernement jusqu'à ce jour n'avait pris en considération les pénibles labeurs, venez recevoir la récompenses de vos vertus silencieuses, et soyez convaincus que l’État, désormais a les yeux fixés sur vous, qu'il vous encourage, qu'il vous protège, qu'il fera droit à vos justes réclamations et allégera, autant qu'il est en lui, le fardeau de vos pénibles sacrifices... »

 
Le dessin aquarellé, intitulé « le comice agricole » qui illustre cet article est de Charles-Henri Pille né en 1848 à Essôme -sur-Marne et mort à Paris en 1897. Il est connu pour ses peintures d'histoire et ses scènes de genre souvent teintées d'humour. Apprécié de Vincent Van Gogh, il est surtout réputé pour ses dessins à la plume. Il publie dans la revue « Le chat noir » et illustre une trentaine d'ouvrages dont : « Les œuvres d'Alfred de Musset » chez Alphonse Lemerre en 1876, « Les Contes de Perrault » chez le même éditeur en 1880, « Quentin Durward » de Walter Scott à la librairie Firmin Didot ou « Notre Dame de Paris » de Victor Hugo en 1886 encore chez Alphonse Lemerre etc....

 

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